
L'entrée de l'Etablissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Marseille, le 29 août 2025 ( AFP / Christophe SIMON )
La contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) réclame "la fermeture, au moins partielle", de la prison pour mineurs de Marseille en raison de conditions d'incarcération indignes, dans un avis publié vendredi.
Une recommandation "très rare mais je ne vois pas autre chose que de fermer pour rouvrir dans de meilleures conditions", a déclaré à l'AFP la contrôleure, Dominique Simonnot.
Dans cet établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Marseille-La Valentine, "des mesures urgentes doivent être prises pour remédier à l'indignité des conditions matérielles de prise en charge des mineurs détenus et aux conséquences catastrophiques de la démobilisation et de l'absence du personnel pénitentiaire et éducatif", dénonce Mme Simonnot.
Dans une réponse écrite, le ministre de la Justice Gérald Darmanin a indiqué avoir ordonné une inspection de l'établissement, avec "un pré-rapport attendu sous un mois".
La prison marseillaise dispose de 59 places exclusivement pour des garçons âgés de 13 à 18 ans, dans une ville où les mineurs sont de plus en plus impliqués dans les trafics de drogue. Elle a été inspectée du 7 au 11 juillet par la contrôleure générale et cinq inspecteurs.
Les murs des cellules "sont partout couverts de graffiti, dont la couleur et la texture évoquent parfois de la matière fécale ou du sang", détaille le rapport, photos à l'appui. Les salles d'eau privatives sont dépourvues de portes, "tous les matelas sont en mauvais état", parfois un simple morceau de mousse sans housse de protection et sans drap.
M. Darmanin a assuré que des travaux ont été effectués entre 2024 et 2025 mais que "les fortes dégradations" sont "commises par la population pénale mineure", dans sa réponse à Mme Simonnot. "Une à deux unités" de la prison seront fermées en septembre pour "la réfection progressive des cellules", poursuit-il.
- "Faim" -
A Marseille, où les étés peuvent être caniculaires, il est "interdit" de poser des rideaux aux fenêtres des cellules et seuls les jeunes reconnus sans ressources peuvent bénéficier d'un ventilateur gratuit. Les repas distribués sont frugaux et nombre des jeunes entendus ont déclaré "avoir constamment faim".
Selon le ministère, les quantités de nourriture sont réglementaires et "l'unité sanitaire n'a jamais alerté la direction de la structure d'un amaigrissement inquiétant d'aucun mineur lié à son alimentation".

La contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Dominique Simonnot, à Paris, le 20 octobre 2020 ( AFP / BERTRAND GUAY )
Lors de son inspection inopinée, la contrôleure a également constaté un procédé "dégradant" dit de "mise en grille", consistant à enfermer un adolescent dans des "locaux barreaudés, dépourvus d'assise, de point d'eau potable et de WC, où aucune surveillance continue n'est assurée". Cette pratique, pouvant durer jusqu'à cinq heures, "doit être immédiatement et définitivement proscrite", intime Mme Simonnot.
Elle "venait répondre exceptionnellement à l'absence de salle d'attente permettant de séparer des mineurs lors d'incidents", indique le ministre, annonçant que "l'arrêt immédiat" de cette "pratique locale" a été "acté" le 20 août.
Evoquant des "enfants laissés à l'abandon", Mme Simonnot réclame que "l'administration (pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse) donne au personnel les moyens de répondre aux besoins des mineurs détenus".
"Le ministre porte la responsabilité des dégradations sur les enfants mais vous avez des enfants encellulés 23h sur 24, c'est de la maltraitance, il n'y a pas d'accompagnement éducatif, pas de suivi psychiatrique", reproche en écho Marc Hernandez, co-secrétaire du syndicat SNPES-PJJ/FSU.
Les constations de la contrôleure "sont factuelles et objectives", selon Kamel Belghanem du syndicat Ufap-Unsa Justice qui réclame l'embauche de personnels. "Dimanche, il y avait 4 agents, aujourd'hui, il en manque deux. C'est un public difficile à gérer, imprévisible avec de nombreuses interventions à gérer", ajoute le syndicaliste, dénonçant par ailleurs un "management toxique".
Ouverts en 2007, les six EPM du territoire hexagonal avaient pour mission de pallier les dysfonctionnements des quartiers des mineurs des prisons en donnant la priorité à l'éducatif.
Mais le fort taux d'absentéisme du personnel entraîne aussi bien le "surenfermement" que la privation de scolarité, pointent la CGLPL et l'Observatoire international des prisons.
Le directeur de l'administration pénitentiaire (AP) et celui de la protection judiciaire de la jeunesse doivent se rendre mercredi à Marseille.
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